C'était l'un des dossiers chauds du gouvernement. Après d'âpres débats, le 4 février 2020, le Sénat a adopté le projet de loi en première lecture avec modifications. Le texte, fort de 32 articles, aborde de nombreuses questions médicales et scientifiques. Voici ce qu'il faut savoir sur le projet de loi de bioéthique qui annonce des débats tendus dans la société civile entre ses partisans et ses détracteurs.
AUTORISÉ PAR LA NOUVELLE LOI DE BIOÉTHIQUE
La PMA pour toutes
Célibataire, lesbienne solo ou en couple... Toutes les femmes pourront bientôt, en France, faire des bébés toutes seules, ou presque, par procréation médicalement assistée. L'ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires est la mesure emblématique de la future loi.
Enfants issus de PMA : à la recherche de leurs origines
Beaucoup d’enfants nés de don (de sperme ou d’ovocytes), ou nés sous X, réclament le droit d'accéder à leurs origines ou d’obtenir des informations sur leurs antécédents médicaux.
A partir du moment où un donneur souhaite faire un don de gamète, il devra obligatoirement accepter que son identité puisse être dévoilée à l’enfant qui sera issu de ce don, lorsque celui-ci aura 18 ans. Les enfants qui le souhaitent peuvent alors déposer une demande auprès d’une commission d’accès aux origines, auprès de l’Agence de la biomédecine.
Le gouvernement a également soutenu que les donneurs n’auront jamais l’obligation de rencontrer des enfants nés du don. Mais, comme l’ont fait remarquer des députés, connaissant l’identité du donneur, rien n’empêchera un enfant né d’un don de retrouver son parent biologique.
L’autoconservation des ovocytes
Une femme en bonne santé et en âge de procréer ne souhaite pas d’enfant dans l’immédiat, mais souhaite congeler ses ovocytes pour ne pas se faire rattraper par l’« horloge biologique » et pour avoir un enfant plus tard. Le coût de l’autoconservation sera à sa charge. Des critères d’âge vont également être mis en place par décret, pour que cette possibilité ne soit ouverte ni trop jeune ni à un âge trop avancé.
Les candidates à la PMA qui seraient concernées par la nouvelle loi veulent faire un bébé seules, tant qu’il est encore temps, à l’approche de la quarantaine. En effet, c’est un phénomène de société massif : les femmes font leurs enfants plus tard, à cause des études longues, du travail instable, des vicissitudes de la vie amoureuse. L’espérance de vie des femmes a considérablement augmenté, atteignant les 85 ans, mais leur période de fécondité, elle, n’a pas changé. Quand nos grands-mères avaient, naturellement, leur petit dernier à 44 ans, personne ne s’indignait, alors qu’elles avaient des difficultés à les mener à l’âge adulte. Désormais, les mères quadra ont largement le temps de les faire grandir. Et pourquoi encore culpabiliser les femmes, quand personne ne s’étonne de voir des jeunes papas quinqua, voire plus vieux encore, alors qu’ils vivent moins longtemps ?
LES LIGNES ROUGES DE LA LOI DE BIOÉTHIQUE
Gamètes : l’embarras du choix
Le don de gamètes est soumis au principe général de l’anonymat des dons de matière corporelle. Un couple ne peut ni connaître l’identité du donneur ni le choisir. Le choix incombe aux seuls médecins qui, très généralement, suivent un critère de ressemblance physique.
GPA : la question qui fâche
Le gouvernement le martèle: pas question d'autoriser la GPA (gestation pour autrui), c'est-à-dire le recours aux mères porteuses, que ce soit pour les couples hétéros ou les hommes homosexuels. Effectivement, la GPA est interdite en France parce que la jurisprudence française considère que le fait qu'une femme s'engage à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance s'oppose notamment au principe de l'indisponibilité du corps humain (ce dernier ne peut faire l'objet d'un contrat ou d'une convention).
DPI : le risque de "l'eugénisme"
Le DPI, pour diagnostic préimplantatoire, consiste à rechercher une anomalie génétique grave chez un embryon avant de l'implanter dans l'utérus d'une femme ayant recours à une PMA.
Il est aujourd'hui autorisé pour des familles où une maladie génétique grave bien précise est déjà présente. Or, des députés et des médecins souhaitent que toutes les femmes faisant une PMA puissent bénéficier d'un DPI, pour rechercher plusieurs anomalies génétiques.
"C'est une dérive eugénique claire", a dénoncé la ministre de la santé, selon laquelle cela aboutirait à "une société qui triera les embryons".
Vers la fin des bébés-médicament
On les appelle aussi les bébés “double espoir” et sont conçus pour permettre la guérison d’un frère ou d’une sœur atteint d'une maladie génétique. Le bébé est conçu pour ne pas être atteint par cette maladie, mais il reste immuno-compatible avec son frère ou sa sœur. Un prélèvement de sang de cordon du bébé permet alors de sauver l'enfant malade en question. La technique dérange en France pour des questions éthiques. Les autorités redoutent l"instrumentalisation" d’enfants conçus "non pas pour eux-mêmes, mais au bénéfice d’un tiers". Plusieurs députés ont ainsi motivé l'interdiction par leur crainte qu’un enfant soit désiré pour sa seule capacité à soigner son frère ou sa soeur malade, et non pas désiré pour sa propre existence.